Né en 1988 à Palo Alto (Californie), Octavi Arrizabalaga, plus connu sous le nom d’Aryz, grandit à Cardedeu, une petite ville de la région de Barcelone. Très tôt, il se passionne pour les murs et les espaces oubliés de la périphérie urbaine. Vers les années 2000, il découvre le graffiti et rejoint une scène locale en plein essor. Ce terrain d’expérimentation devient pour lui un laboratoire créatif où il apprend la maîtrise des couleurs, des volumes et de la composition.

Son approche instinctive du mur, alliée à une curiosité pour la peinture et la narration visuelle, lui permet de se démarquer rapidement. Les usines abandonnées de la banlieue barcelonaise deviennent alors son atelier à ciel ouvert, un lieu où il développe les bases de ce qui fera plus tard sa signature artistique.

Après avoir intégré les Beaux-Arts de l’Université de Barcelone, Aryz affine son regard sur la composition, la lumière et la structure architecturale. Sa première commande de mural de grande envergure arrive en Italie en 2010, marquant un tournant dans sa carrière. Dès lors, son nom commence à circuler sur la scène internationale du street art.

Entre 2010 et 2020, il multiplie les interventions à travers l’Europe, l’Asie et l’Amérique, réalisant des fresques monumentales en France, Finlande, Pologne, Chine, Madagascar ou encore aux États-Unis. Chaque œuvre, pensée en harmonie avec son environnement, traduit une volonté d’habiter l’espace sans l’agresser, mais en y laissant une empreinte poétique et puissante.

Avec le temps, Aryz choisit de ralentir le rythme de ses interventions murales pour se consacrer davantage à son travail d’atelier. Dans ce cadre plus intime, il explore la sérigraphie, le dessin et la gravure, des techniques qui lui permettent d’approfondir ses recherches visuelles.

Peu à peu, les institutions artistiques s’intéressent à son œuvre. En 2019, il est invité au Musée des Beaux-Arts de Nancy, où sont présentés ses croquis et esquisses. Trois ans plus tard, il expose à Bologne, révélant une facette plus méditative de son art. Fidèle à sa réserve, Aryz préfère que ses créations parlent pour lui : « Parler de moi me met mal à l’aise. Mon travail le fait mieux. »

Les œuvres d’Aryz se reconnaissent au premier regard par leur ampleur monumentale. Ses fresques, souvent réalisées sur des façades entières, transforment des espaces urbains délaissés en toiles à ciel ouvert. Contrairement à de nombreux muralistes, il ne recourt jamais au projecteur ni à la grille de mise au carreau : il peint directement sur le mur, en commençant par des formes générales qu’il affine progressivement. Ce processus instinctif, proche de la sculpture, donne à chaque fresque un équilibre organique et une cohérence spatiale naturelle. L’artiste joue avec la structure du bâtiment, ses reliefs et ses teintes, pour intégrer son œuvre dans l’environnement. Sa démarche témoigne d’une volonté de dialoguer avec le lieu plutôt que de l’imposer.

L’univers d’Aryz oscille entre poésie visuelle et étrangeté organique. Les corps humains, souvent déformés, et les animaux hybrides peuplent ses compositions. Les os, entrailles et squelettes reviennent fréquemment, comme des symboles d’une beauté fragile, à mi-chemin entre la vie et la décomposition. Ces représentations ne cherchent pas à choquer, mais à explorer la complexité du vivant. En mêlant tendresse et brutalité, Aryz révèle la dualité de l’être humain — une tension entre vitalité et vulnérabilité. Sa palette de couleurs, parfois pastel et éteinte, parfois vive et contrastée, renforce cette ambivalence émotionnelle.

Visuellement, les fresques d’Aryz évoquent à la fois l’imaginaire surréaliste et la narration sociale. Ses personnages, souvent plongés dans des scènes quotidiennes, deviennent des figures métaphoriques qui interrogent le rapport de l’homme à son environnement.

L’artiste s’inspire autant des codes du graffiti que de la peinture classique, créant un langage visuel singulier. Chaque œuvre semble raconter une histoire silencieuse, où le fantastique se mêle au réel, et où la couleur devient un vecteur d’émotion. Son art, loin d’être décoratif, agit comme une fenêtre ouverte sur la condition humaine, capable d’émouvoir autant qu’un tableau de musée.

Pour Aryz, une fresque murale n’a pas vocation à durer éternellement. Il considère ses œuvres comme un dialogue éphémère avec le mur : un échange entre l’artiste, la matière et le temps. Contrairement à d’autres créateurs, il refuse toute restauration de ses pièces, estimant que leur disparition fait partie intégrante du processus artistique. Cette vision met en avant la nature vivante du street art, soumis aux aléas de la ville — pluie, soleil, effacement. Elle confère à son travail une dimension poétique et philosophique, où chaque œuvre, vouée à disparaître, trouve sa beauté dans sa fragilité.