Né en 1973 à Bondy, Christian Guémy, alias C215, grandit dans un contexte familial douloureux. Orphelin très jeune, il est élevé par ses grands-parents après la mort de sa mère. Ce passé personnel forge une sensibilité profonde qui traversera toute son œuvre. Brillant élève, il poursuit des études d’histoire, d’histoire de l’art et d’architecture à la Sorbonne. Avant de devenir artiste, il travaille dans des secteurs variés — textile, mobilier, puis finance — tout en nourrissant une passion silencieuse pour le dessin et la peinture. Ce n’est qu’en 2006, à plus de trente ans, qu’il choisit d’emprunter pleinement la voie artistique et de s’exprimer dans l’espace public.
Vitry-sur-Seine
En s’installant à Vitry-sur-Seine, C215 découvre une ville ouverte à l’expérimentation artistique. Il y développe son langage visuel au pochoir, technique qu’il perfectionne jusqu’à en faire une signature.
Son objectif : rendre visibles les invisibles — enfants, sans-abris, anonymes — en plaçant leurs visages sur les murs de la ville. Très vite, il invite des artistes internationaux à peindre à Vitry, transformant la commune en un véritable musée à ciel ouvert. Cette initiative contribue à faire de la ville l’un des foyers majeurs du street art français. En parallèle, il participe à des projets collectifs, comme le MUR de Vitry ou des fresques dans le métro parisien, imposant peu à peu sa patte humaniste et poétique.
Des visages d’anonymes aux figures historiques
Au cœur du travail de C215 se trouve le portrait, qu’il considère comme une forme d’hommage et de reconnaissance. Sur les murs, les boîtes aux lettres ou les coffrets électriques, il représente des visages d’anonymes — enfants, sans-abris, passants oubliés — qu’il érige au rang de symboles. Mais l’artiste peint également des figures historiques et contemporaines : Christiane Taubira, Simone Veil, Jean Moulin, Aïcha Issadounène, ou encore Laurent Barthélémy, jeune migrant décédé en 2020. Chacun de ces portraits devient un acte de mémoire, une manière de redonner un visage à l’histoire et à la dignité humaine.
« Mes œuvres placent des invisibles au rang des célébrités. À travers ces visages, je souhaite que les passants se confrontent à leur propre humanité. »
Le pochoir comme langage universel
Le pochoir est le médium de prédilection de C215. Héritier du graffiti et du stencil art britannique, il en a fait une langue picturale universelle. Sa technique repose sur un jeu subtil de coupes fines, de contrastes et de superpositions, où chaque teinte renforce l’intensité du regard. Son travail va de la bichromie expressive aux compositions colorées et lumineuses, inspirées par les clairs-obscurs du Caravage, son maître spirituel. C215 transpose ainsi l’émotion et la lumière du tableau classique dans la rue contemporaine. Ses œuvres, toujours à échelle humaine, se distinguent par leur proximité avec le passant : il veut que chacun puisse ressentir immédiatement la force du visage qu’il croise.
L’humanité comme fil conducteur
Ce qui unit toute l’œuvre de C215, c’est sa foi en l’humanité. À travers les murs, il cherche à réparer symboliquement le tissu social en rendant visibles ceux que la société oublie. En choisissant la rue, il refuse les barrières institutionnelles et fait de l’espace public un musée accessible à tous.
Ses portraits ne sont jamais froids : ils respirent la tendresse, la douleur, la résistance ou la joie. Cette émotion brute crée une connexion directe entre l’œuvre et le spectateur, faisant de chaque mur un miroir de conscience. Le pochoir devient ainsi un outil de transmission et de mémoire collective, un acte poétique autant que politique.